jeudi 13 novembre 2014

Les Neutrinos Ultra-Énergétiques originaires de Sgr A* ?

Il se pourrait bien que ce soit le trou noir supermassif de notre galaxie, le dénommé Sgr A*, qui soit à l'origine des neutrinos ultra-énergétiques qui ont été détectés par le détecteur géant IceCube! Cette conclusion vient d'être proposée après des observations fort pertinentes obtenues avec trois télescopes spatiaux spécialisés dans la détection de rayons X.


Visualisation des traces d'un des neutrinos les plus énergétiques détectés
par IceCube, surnommé "Bert", son énergie est de 1,14 PeV (IceCube)
Chandra, Swift et NuSTAR ont tous les trois pu observer des signes d'événements violents sous forme de bouffées de rayons X, en provenance du centre galactique, là où se cache Sgr A*, et les astrophysiciens menés par Yang Bai de l'université du Wisconsin ont eu la riche idée de regarder ce qui se passait au même moment dans le détecteur de neutrinos IceCube, qui rappelons-le est situé dans la glace antarctique. Juste après la plus grosse éruption de rayons X provenant de Sgr A*, moins de 3 heures après, IceCube détectait un des 36 neutrinos ultra-énergétiques qu'il a permis de mettre en évidence depuis 2010 et dont la direction est compatible avec le centre galactique. Et le même phénomène s'est reproduit après des bouffées de Sgr A* observées par Swift et NuSTAR, également en coïncidence spatiale et temporelle. Il semble que cela ne puisse pas être un simple hasard puisque la probabilité d'une telle coïncidence aléatoire n'est que de 1,6%...

Les physiciens des astroparticules estiment que les neutrinos les plus énergétiques doivent provenir d'événements très violents, comme des fusions de galaxies, l'absorption massive de matière par des trous noirs ou la production de vents de matière autour de pulsars.
L'origine exacte de ces particules furtives et ultra-énergétiques (on parle en PeV, des millions de GeV) est recherchée depuis de longues années sans avoir trouvé une réponse satisfaisante. S'il s'avère juste que les trous noirs massifs peuvent être le moteur de ces neutrinos hors normes, on aura fait une très belle avancée.

Vue d'artiste de Chandra (NASA/Chandra XRay Lab)
Les chercheurs, qui publient leur étude dans Physical Review D, proposent un mécanisme de production de ces neutrinos par Sgr A* : ils pourraient être des produits de désintégration de particules chargées, des pions (ou mésons pi), qui sont accélérés par une onde de choc successive à une activité particulièrement forte de l'environnement du trou noir. Une fois accéléré à une très grande énergie, le pion, instable, se désintègre en produisant un muon et un antineutrino muonique, et puis le muon se désintègre à son tour en un électron et un antineutrino électronique.
Et les auteurs précisent que cette signature devrait être accompagnée également de désintégrations d'autres pions, neutres ceux-là, qui doivent produire des rayons gamma d'énergie de l'ordre du TeV, donc potentiellement détectables avec nos meilleurs (actuels ou futurs) détecteurs de rayons gamma cosmiques comme HESS, HAWC, CTA ou VERITAS.

Et en même temps, le mécanisme proposé par Bai et ses collègues américains  pourrait expliquer un autre grand mystère astrophysique, celui des rayons cosmiques ultra-énergétiques (eux aussi), qu'on appelle en jargonnant les UHECR (Ultra High Energy Cosmic Rays). Comme les particules chargées qui forment ce rayonnement cosmique (protons, noyaux d'hélium et électrons principalement) sont défléchies par les champs magnétiques au sein de notre galaxie, on n'arrive très difficilement à déterminer leur direction d'origine. Mais ce qui semble certain, c'est que les ondes de chocs au voisinage des trous noirs qui peuvent produire finalement les neutrinos observés, peuvent également produire ces particules chargées très énergétiques.

L'utilisation de messagers multiples sera vraiment la clé des futures découvertes en astrophysique. Associer rayons X et neutrinos est une première, et elle semble déjà très fructueuse.


Source : 
Neutrino Lighthouse at Sagittarius A*
Y. Bai, A. J. Barger, V. Barger, R. Lu, A. D. Peterson, J. Salvado
Phys. Rev. D  90, 063012 (2014)
en accès libre sur ArXiv : http://arxiv.org/pdf/1407.2243v1.pdf


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